Wood Morning Show : On en parle avec Juce Gace
Nous nous sommes quitté l’année dernière alors que tu t'apprêtais à lancer Wood Morning Paris. Comment ça s'est passé ?
Ça s’est super bien passé. Honnêtement, j’étais très content parce que ça a permis de rassembler, de fédérer, les artistes et les collectionneurs d’une manière que je n’avais jamais vu avant. Ça a permis à plusieurs communautés différentes de se rencontrer, des adeptes de street art, d’art toys, d’illustration et puis des passants qui découvraient l’univers, puisqu’on était dans un quartier assez pop avec pas mal de pop-up stores. Ça m’a permis de faire énormément de rencontres et de voir en vrai des personnes avec qui je discutais parfois depuis plusieurs années.
Est-ce qu’une autre itération est dans les cartons ?
Après Wood Morning Paris, deux mois après pour être précis, il y a eu une expo de deux mois : Wood Morning Hong Kong. J’ai vraiment pu me faire plaisir en terme de scénographie, on avait beaucoup d’espace, 300m2 à remplir, ça donne quelque chose d’impressionnant et de très amusant !
Quels sont les différences entre faire une exposition à Paris et une exposition à Hong Kong ?
C’est très très différent. À Paris, c’est moi qui ai tout organisé, de la location du lieu à l’assurance des pièces, alors qu’à Hong Kong j’ai été accueilli par une galerie. À Paris ça coûte beaucoup plus cher à faire donc fatalement, c’est plus compliqué d’obtenir un lieu avec suffisamment d’espace. C’est aussi plus dur de travailler une scénographie à la hauteur de ce qu’on peut faire en asie. Là bas, il y a une proximité avec les lieux où on produit de la scénographie (des pancartes, des meubles de présentation), ce qui rend tout plus accessible. En France, il faut s’y prendre beaucoup plus en avance !
Concernant ce que l’on expose, c’est aussi différent. À Paris, la démarche était d’inviter une trentaine d’artistes pour permettre à plein d’univers de se rencontrer alors qu’à Hong Kong, l’idée était plus de représenter l’intégralité de mon travail de toy designer avec la présentation de pièces exclusives sur place. C’était le même ADN mais pas le même type d’événement.
Chaque expo avait ses pièces exclusives et ses originalités. À Paris on avait de l’arcade, des tapis, des NFT, à Hong Kong des néons, des verres, des t-shirts, des porte-clefs. L’idée c’est de varier les plaisirs et de surprendre les gens !
Sur quoi tu as travaillé en création de figurines après ces deux expositions ?
Beaucoup de projets qui ne sont pas encore révélés. Ça a été l’année du renouveau, les gens ne le savent pas encore, mais j’ai beaucoup sculpté, j’ai travaillé avec beaucoup de designers pour élargir mon univers. Il y a de nouveaux personnages à venir et des collaborations avec d’autres artistes. Travailler en binôme est quelque chose dont je n’avais pas l’habitude, c’était très excitant. J’ai aussi développé de nouvelles techniques de productions pour travailler sur de nouveaux matériaux, comme le chrome ou le bois. Tu as commencé en faisant des pin’s, est ce que c’est quelque chose sur laquelle tu aimerais revenir ? Oui ! J’ai toujours aimé les petits objets de collection, bien que j’en fasse des plus gros maintenant. Ce que j’aime bien, c’est le fait d’avoir un petit objet de collection hyper abordable qui te permet de transporter et d’exposer ta petite œuvre partout.
Tu prépares un nouvel événement qui se déroule ce dimanche. Tu peux nous en dire plus ?
Après les deux expositions précédentes, j’ai fini sur les rotules et je pensais faire une pause de quelques années pour les expos. Et j’ai rencontré le directeur de l’école Hourdé et du théâtre de l’Européen, Julien Hourdé qui m’a proposé de faire une exposition là-bas. La proposition était trop tentante, le lieu est grand, chargé d’histoire et coïncide parfaitement avec ce que je fais : du Pop, du rigolo, de la figurine qui se met en scène. Après l’arrivée de mes personnages à Paris l’année dernière, maintenant, ils montent sur scène ! Il y a tout un travail de scénographie pour encore plus de jeux avec le public et, une fois n’est pas coutume, plein de collaborations. L’idée est de créer une continuité avec l’exposition précédente tout en assumant beaucoup plus le côté « exposition d'art toys ». Pas de toiles ou de NFT cette année, on se focalise vraiment sur l’objet 3D, la sculpture autour de laquelle il faut tourner pour découvrir des surprises. J’ai collaboré avec une trentaine d’artistes d’une dizaine de pays différents. Comme l’année dernière, il y a des pièces exclusives, mais surtout, il y aura l’arrivée d’un nouveau personnage, qui sera lui aussi un détournement en collaboration avec un toy designer Autrichien du nom de Theodoru. Je suis impatient que les gens le découvrent in situ.
Il y aura aussi une petite figurine offerte à l’entrée pour les premiers spectateurs et cerise sur le gâteau, des pièces uniques. L’exposition est plus grande, plus drôle que l’année dernière mais surtout plus surprenante avec des nouveaux matériaux et des nouveaux rendus, autant dans mes productions que dans celles des artistes invités.
Entre exposition « classique » et une exposition théâtrale, il y a des différences non ?
La vraie différence, c’est que le partenariat entre le théâtre et l’école est unique. On nous propose le lieu pour une journée, on peut y faire ce qu’on veut, et on collabore avec les étudiants en scénographie de l’école pour l’exposition. J’ai autant à apprendre d’eux qu'eux de cette exposition, c’est passionnant.
Ensuite, l’espace est vraiment vaste, c’est un théâtre ou je suis déjà allé en tant que spectateur. L’histoire de ce lieu est folle, il aurait dû être détruit ou racheté un paquet de fois et pourtant, il est encore là. Julien Hourdé, le directeur de l’école, est un gros collectionneur d'art toys et je me dis que c’était un peu écrit qu’on se rencontre et que cette collaboration voit le jour.
J’ai un univers un peu décalé, un peu rigolo, parfois un peu coquin, et être accueilli à bras ouverts pour une journée où j’ai carte blanche, c’est assez incroyable.
Tu penses que le toy design se légitime d’année en année puisque maintenant, les figurines arrivent au théâtre, lieu d’art classique et reconnu ?
Comme le cinéma, le théâtre a une dimension cathartique. Il y a des événements qui se montent aux Etats-Unis, en Angleterre, à Barcelone, au Mexique, en Asie, on a des artistes internationaux qui se mettent au Art Toy. On est à Paris, c’est génial d’avoir un théâtre parisien reconnu qui laisse cet art là « monter sur scène ». Avant de rencontrer l’équipe, je n’aurais même pas imaginé que ça puisse être possible d’exposer mes figurines là-bas. Pour moi, c’était réservé aux street artistes et graffiti artistes. En tant que toy designer, on a toujours ce petit souci de légitimité parce que c’est une niche un peu underground : c’est de l’art, mais en même temps, c’est une production, c’est de la sculpture et en même temps c’est du jouet. On a le pied dans beaucoup de domaines et du coup, c’est dur de s’imposer pleinement.
Penses-tu que ce genre d’événement peut ramener un nouveau public ?
C’est l’idée ! Déjà pendant l’exposition précédente, le but était de se faire rencontrer les publics. En collaborant avec Hourdé Art Days (une carte blanche d’une journée donnée à des artistes une fois par mois) on ouvre les portes à notre communauté, mais aussi à celle du théâtre ou même des gens qui habitent dans le coin.
On a été à Paris, à Hong Kong, dimanche au théâtre. Si on enlève toutes les contraintes, il y a des lieux ou des médiums sur lequel tu aimerais transposer ton univers ?
Mon univers est assez particulier parce qu’il fait réagir. Il y a des gens que ça fait rire, des gens que ça surprend, des gens que ça choque. Comme je fais du drôle et coquin, ça a toujours matière à réaction. Je sais par expérience que je ne pourrais pas exposer partout. On peut exposer du Kaws partout par exemple, c’est assez universel, moi, c’est un peu plus décalé. Du coup, je me pose rarement cette question !
Ce que j’aimerais, c’est participer à une grosse convention comme Thailand Toy Expo ou la Designer Con US et pouvoir montrer qu’un artiste français sans producteur arrive à avoir un stand aussi cool que des artistes plus installés. Et montrer qu’on peut fédérer autant en étant un artiste qu’en étant une grosse entreprise de art toys !
Sur des lieux un peu plus classiques, je sais que ça provoquerait des réactions dont je n’ai pas envie. Ça m’amuse de choquer, mais pas de provoquer des émotions négatives. Tout ce que je fais, c’est pour amuser et surprendre. J’ai des collectionneurs qui me disent « depuis que j’ai mis ta pièce chez moi, tout le monde se marre en la voyant ». C’est vraiment le but : grâce à ma pièce, le collectionneur aura fait marrer dix potes dans sa semaine et c’est génial !
Après dimanche, c’est quoi l’avenir ?
Alors l’avenir, c’est déjà que, pour les gens qui ne pourront pas se déplacer, je mettrais toutes les pièces encore disponibles sur mon site le mercredi 17 mai à 16 heures, pour qu’ils puissent déjà profiter des photos et potentiellement acheter des pièces qui leur font envie.
Après ce qui arrive, ce sont plusieurs grosses aventures de collaborations avec des artistes. Plusieurs sculpts sont prêts, il faut maintenant se lancer dans la production, dans le financement, toutes ces choses que les gens n’imaginent pas forcément. Entre le sculpt et la production d’une figurine, il me faut en général entre 8 et 10 mois, le temps de réfléchir comment lancer la figurine, avec qui, comment la financer, à qui ça va plaire, etc… Il faut beaucoup de travail en amont pour que ça paraisse simple et que le lancement de la figurine soit une évidence.
J’ai une collaboration en cours avec un artiste japonais, une autre avec un designer à cheval entre la Turquie et la Russie. Cet été, si tout va bien, il y aura aussi une nouvelle exposition en Asie… à Singapour, plus précisément !
Wood Morning Show
Dimanche 14 mai 2023
Théâtre de l'Européen
5 rue Biot 75017 Paris
Entrée Libre
Une petite figurine offerte aux premiers visiteurs
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