Interview de Juce Gace
À l'occasion de son exposition Wood Morning Paris qui aura lieu du 25 au 28 mars 2022 au 32 rue de notre-dame de Nazareth (75003), nous avons rencontré Juce Gace et avons pu discuter avec lui de son parcours, ses envies et bien entendu son exposition.
Comment devient on toy designer ?
(rire) Par Hasard. Par passion et par hasard. En fait, j’ai commencé en faisant des petits objets comme des stickers, des pin’s, des t-shirts, des patchs. Puisque j’aimais bien le coté « petit objet de collection » des pin’s, et à force de créer des visuels, j’ai collaboré avec des street artistes et je me suis fait remarquer par un gros producteur de art toys, Mighty Jaxx, qui cherchait des artistes dans le monde entier pour élargir sa visibilité mondiale, à raison d’un ou deux artistes par continent. Du coup le petit pin designer que personne ne connaissait s’est retrouvé là-dedans ! Au début, je n'y ai pas cru, je me suis dit ça devait être une escroquerie… C’était fou !
Il s’avère que c’était vrai et on a lancé, fin 2017 une première pièce qui était le premier A Wood Awakening et dont les 200 exemplaires sont partis en 36 heures.
Ce succès immédiat, alors que je n’étais pas connu dans ce milieu-là, a fait réfléchir Mighty Jaxx sur sa volonté de ne faire que des « one shots ». Ils m’ont laissé créer d’autres pièces produites par eux comme Darumario, Maneki-Dino, et décliner le A Wood Awakening pour en faire la pièce la plus connue de mon univers. Entre temps, je suis tombé amoureux du toy design et de sa communauté, donc j’ai commencé à apprendre le design 3D, rencontrer les collectionneurs, les blogs, les marques et surtout m’amuser toujours plus avec ce nouveau medium.
Aujourd’hui tu as combien de figurines différentes à ton actif ?
Alors attends, je compte uniquement les modèles sortis actuellement et je ne compte pas les déclinaisons de pièces... Dans ce cas, on doit être à 8 pièces en 4 ans. Et tout confondu, je dépasserai la quarantième pièce à l’occasion de l’événement ! Avec quasiment 10 pièces par an, j’ai eu la chance d’être bien entouré et de m’occuper essentiellement la partie créative des projets parce qu’en auto-production, je n’aurais jamais pu en faire autant.
Comment t’es venu l’idée de faire un Pinocchio comme ça ?
Ca vient de plusieurs choses ! J’aime beaucoup reprendre des icônes de mon enfance en y ajoutant un twist un peu surprenant, pas forcément coquin d’ailleurs. Il ne faut pas que ça ne soit que mignon. Le marché de l’animation et du toy est dominé par des projets mignons et lisses. Je tiens à garder le coté mignon, mais en y ajoutant une petite étrangeté. À la base, l’idée est venue d’une collaboration avec un tatoueur qui s’appelle Encre Mécanique et qui a donné un pin’s. Je suis parti de l’idée et j’ai créé le personnage d’A Wood Awakening, son design et son histoire. Il est donc au réveil, en pyjama, pas très réveillé, il s’étire en découvrant la chose. Je voulais que ce soit coquin, mais pas pervers ou choquant. Il a quelque chose de très naïf là-dedans, on a beaucoup travaillé sur l’expression du visage. L’idée, c'est de traiter de l’éveil de la sexualité, sa découverte et la honte que ça peut entraîner.
Tu as fait des variantes de ce modèle avec d’autres personnages si je ne m’abuse ?
Exactement, j’ai fait I am Wood et Snow Balls, un bonhomme de neige qui, d’après son histoire, a été façonné par A Wood Awakening. Et j’ai aussi collaboré avec un artiste néerlandais, Flawtoys, que j’ai rencontré à la ToyCon UK la veille de la pandémie mondiale et avec qui j’ai fait A Stranger Awakening : un mix entre son style unique, sa transparence, sa brillance, et mon style naïf du personnage qui s’étire !
Si tu avais une licence que tu pouvais adapter sans contrainte, tu prends quoi ?
Si je devais prendre une licence pour élargir mon univers, je pense que je prendrais Woody Woodpecker qui est une licence mondialement trop peu connu, mais c’est un personnage que j’aime beaucoup et intimement lié à l’univers du bois.
Tu es collectionneur de toy de ton coté ou tu es uniquement créateur ?
Les deux ! Je suis un gros collectionneur, pas que de toy d’ailleurs, j’ai aussi une belle collection de street art puisque c’est de là qu’est venue ma passion. Il y a deux jours, je me suis offert mon tout premier Bearbrick. Je n’avais jamais craqué parce que je suis de ceux qui veulent collectionner entièrement ou pas du tout : avec les Bearbricks, c’est mission impossible. J’ai craqué pour le Bearbrick Pac-Man avec ses motifs incroyables devant et derrière. J’adore Pac-Man, c’est un des premiers détournements que j’ai fait, Pac-Man avec Homer Simpson, ça s’appelait Pac-Mer à l’époque. Sinon, ma collectionnite aigüe est très souvent liée à la rencontre des artistes. J’ai de plus en plus de mal à collectionner des œuvres de gens qui humainement ne sont pas top. De fait, je collectionne des pièces d’amis. J’adore quand la pièce physique est totalement à l’image de l’artiste.
Avec qui dans le milieu du toy design tu reverrais de collaborer un jour ?
Je triche un peu, je ne vais pas citer qu’un nom. Il y a évidemment Alex Solis avec qui j’ai une proximité d’univers, d’humour, le souci du détail, du mignon et puis on s’entend super bien.
Je ne vais pas citer des artistes avec qui j’ai des collaborations en cours dont je ne peux pas encore parler, mais il y en a !
La collaboration rêvée, mais qui ne verra sûrement jamais le jour à cause de problèmes de licence, c’est Jason Freeny qui est un artiste exceptionnel, humainement génial, d’un talent fou et surtout avec lequel j’ai une proximité d’univers. Je ne rêve pas comme beaucoup d’une collaboration avec Kaws par exemple parce que c’est une collab’ que j’ai du mal à visualiser. Il y a des artistes que j’admire plus que tout, mais avec qui je ne peux pas me projeter parce que nos univers sont trop éloignés.
Dans deux semaines tu va lancer ta première expo en tant que toy designer, est ce que tu peux nous présenter le projet ?
L’événement s’appelle Wood Morning Paris et il est clairement né de l’envie de créer un endroit pour se réunir à Paris. Le constat qu’on avait avec plusieurs toy designer francais, c’est qu’il y a pas mal de collectionneurs, pas mal de toy designer, mais contrairement à la communauté des sneakers ou du street art on n'avait pas spécialement d’endroit pour se réunir. Le seul endroit, c’est Artoyz sinon il n’y a pas d’événement. Il y en a en Espagne, en Angleterre, mais pas chez nous. Au départ, on m’a proposé de faire cette exposition. Au début, je me suis demandé qui irait voir des toy et puis en y réfléchissant le but c’était de faire un événement multiple. Convier les gens du toy à qui je vais présenter des pièces exclusives pour cet événement, de faire venir les collectionneurs de Custom avec une trentaine d’artistes internationaux qui se sont prêtés au jeu de customiser certaines de mes pièces. L’idée était d’avoir une cartographie du toy avec des artistes incontournables, d’autres plus émergents de façon à toujours avoir quelque chose à découvrir lors de l’événement.
Comme ça ne me suffisait pas, j’ai voulu tout mélanger avec du street art, des collaborations avec des artistes français et internationaux pour avoir encore une fois soit des collaborations pur dans lesquels je suis allé dans leurs ateliers pour proposer une création commune, soit des artistes qui ont eu l’inspiration avec ce que j’ai créé et qui s’amuse avec ça.
Il y aura aussi des NFT ?
Exactement. C’est le dernier pôle du triangle Toy- Street art – NFT sur laquelle repose l’exposition. L’idée est de pouvoir présenter des artistes qui ne font pas forcément du toy ou qui n’ont pas produit de toy et qui sont pour autant géniaux. On est donc en collaboration avec la marque infinite object qui est une marque américaine pour pouvoir proposer à la vente des NFT. On veut vraiment interconnecter tout ça et faire que les univers se réunissent et se mélangent. Qu’un amateur de toy (re) decouvre le street art et inversement. Que tout le monde s’y retrouve. Les NFT auront, pour certains l’avantage, d’être vendu avec la pièce physique représenté par le NFT en plus de repartir avec l’écran contenant le NFT.
Et puis n’oublions pas le principal, s’amuser. J’ai travaillé énormément de medium. J’ai par exemple invité un artisan de vitraux. J’ai aussi travaillé du néon, du tapis toujours dans un but de mélanger les medium, de montrer ce qui existait et de proposer une expérience totale.
Comment ça se monte exposition ? Tu avais des critères particuliers ?
Ce sont beaucoup de nuits blanches (rire). À la base, j’ai eu l’idée grâce à une galerie qui m’a sollicité et puis j’ai monté l’exposition en solo, aidé par des amis et François Prost sur la partie évènementielle. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté pour que tout le monde puisse y avoir accès. Les Français, mais aussi les Anglais, les Espagnols donc la localisation dans Paris était obligatoire. Pour le choix du quartier, on voulait un quartier non-puritain, qui soit prêt à accueillir l’événement avec humour et bienveillance. La zone qu’on s’était fixée était entre republique, châtelet et le marais. On a beaucoup cherché parce que exposer des toys, ça demande des lieux permettant de sécuriser les toys et de les mettre en valeur en 3D. On est donc dans la galerie L’œil Bleu qui nous prête les clés et qui est à deux minutes de République dans un lieu propice à la culture urbaine et à la pop culture. Le plus gros boulot pour moi, c’est la production. La production de art toys peut durer jusqu’à 10 mois avec des envois en bateau qui peuvent coûter très cher et prendre beaucoup de temps. Toute une logistique que des artistes sur toiles n’ont pas et qui nous a demandé un planning assez strict. La triple casquette artiste/curateur/collaborateur était, en tout cas, très excitante !
La dernière volonté était de proposer une entrée libre et de garder des surprises de façon à faire que les gens en aient pour leur argent... Même s'ils ne paieront pas.
Qu’est-ce que tu as dans les cartons pour tes projets futurs ?
Déjà, je vais proposer des pièces exclusives et autoproduites pour cette exposition. J’en présenterais deux dont une qui fait 44 cm.
Et pour l’après, j’ai plein de projets qui me tiennent beaucoup à cœur, mais je crois que le plus gros projet qui m’attend en dehors de collaborations avec un artiste français, hongkongais et un autre autrichien, ce sera la création d’un nouveau Wood Morning, un solo show qui devrait se dérouler à Hong Kong. J’espère fort que ça va se faire avec la situation et les restrictions actuelles, mais c’est bien parti !
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