Le grand détournement.

Nous avons tous des héros de jeunesse. Qu’ils (et elles) proviennent d’un film, d’un jeu, d’un dessin animé, d’une série, d’un jouet ou d’une bande dessinée il y a forcement un personnage qui vous a marqué et avec qui vous avez une relation particulière, comme un petit bout d’enfance qu’il vous reste. Ce personnage, c’est le vôtre, vous le chérissez, refusez qu’on en fasse n'importe quoi, en parlez des étoiles dans les yeux face à un public peu réceptif et savez tout de lui.

Cependant, de sales garnements ont un jour décidé de prendre vos héros et de les briser. Non pas par pur plaisir, mais pour faire réfléchir sur ce qu’est un héros, sur le fait qu’idolâtrer quelque chose n’est pas forcement sain ou même pour se rebeller contre ces héros qui briment la créativité des artistes à force d’être intouchable.

Si ces « adaptations » peuvent parfois se rapprocher du genre de la parodie, on parle plus généralement de détournement. Cet acte, souvent militant, est étroitement lié à l’art moderne et contemporain. Marcel Duchamp en inventant le ready-made détourne des objets de leurs fonctions utilitaires premières dès 1913.

Suivront, entre autres, le Pop-art dans les années 60 et le travail de Barbara Kruger dans les années 80 qui entérineront cette pratique. On peut, pour résumer grossièrement diviser les détournements en deux catégories.

Les détournements « matériels » qui fabriquent des œuvres à partir d’autres médias initialement prévu pour autre chose et les détournements « moraux » qui sortent des personnages de leurs contextes habituels.

Au cinéma, on citera bien entendu le cultisme «  Le Grand détournement – la classe américaine » de Hazanavicius ou les moins connus mais tout aussi culte « Les cadavres ne portent pas de costards » (Carl Reiner 1982) et « A la recherche de l’ultra-sex » (Nicolas et Bruno 2016).

Citons aussi l’illustrateur Tohad et son œuvre « Badass fanarts » qui détourne une multitude de personnages iconiques dans le seul but de les rendre Badass.

Dans l’univers du jouet, de grands noms ont été détournés avec le travail de Carmen Gomes et ses « Barbitch » qui pervertissent l’image chaste et niaise de la poupée Barbie originelle.

Barbie toujours avec Mariel Clayton, qui replace la célèbre poupée dans des scènes trash et cyniques.

Enchainons avec l'artiste Ron English et son œuvre "Propaganda" auquel nous avions déjà consacré un article disponible juste ici !

Dans le milieu du jouet design, commençons par Jason Freeny et son œuvre XXray centrée sur la dissection de personnages fictifs. Des Looney Tunes aux protagonistes de DC comics en passant par les personnages de Sésame Street ou même les Gummi Bear, il y en a pour tout le monde !

Évoquons rapidement (puisque nous en avions parlé lors de notre article consacré à Mickey Mouse) Friendly Fire Bomb de Jason Freeny, encore lui, Droopy Mouse de PoOL et une bonne partie de l’œuvre de KAWS. Tout trois ont en commun des détournements de la souris phare de Walt Disney.

Prenons un peu plus notre temps sur Josh Divine en revanche. En 2019, il fait chuter Astroboy qui déverse son huile sur le sol à cause de l’impact. Il récidive un an plus tard avec Mario qui cette fois a perdu son visage et risque quelques séances d’ostéopathie vue la position de sa colonne vertébrale. Il y a quelque chose de profondément jubilatoire à voir d’un coté Astro, petit robot volant, et de l’autre Mario, plombier bondissant dans tous les sens s’exploser au sol. C’est même rassurant de voir que ces héros d’apparence infaillible sont eux aussi soumis à la même gravité que nous et aux mêmes maladresses.

Concluons enfin cette liste non-exhaustive avec l’œuvre de Soasig Chamaillard. À la fois détournement matériel et détournement moral, l’artiste récupère des statues abîmées de la Vierge Marie et les transforment en une foultitude d’autres personnages. Pokemum, FrankenMary, Super Marie, Sainta Claus, Sainte Goku sans oublier les Sentai Maria, c’est un univers tout entier qui est crée avec des statuettes originellement similaires.